jeudi 17 mars 2011

PROTÉGER ET RECONSTRUIRE LES SOLS
texte original:
http://www.earth-policy.org/book_bytes/2010/pb4ch08_ss4
Lester R. Brown , traduit par Marc Zischka, Frédéric Jouffroy et Pierre-Yves Longaretti
La littérature relative à l’érosion du sol contient d’innombrables références à la “perte
du couvert végétal protecteur”. Au cours du dernier demi-siècle, les coupes à blanc,
le surpâturage, et le labourage excessif ont tellement réduit cette protection que le
monde est en train de perdre à vitesse accélérée le sol qui s’est accumulé sur de longues
périodes au cours des temps géologiques (voir “L’érosion des fondements de la civilisation”
http://www.ecologik-business.com/newsletters/newsle118.html). La plantation
d’herbe ou d’arbres sur les terres cultivées sensibles à l’érosion avant qu’elles ne soient
perdues conditionne la préservation de leur productivité biologique.
Le Dust Bowl des années 1930 menaçait de transformer les Grandes Plaines des Etats-
Unis en un désert immense ; ce fut une expérience traumatisante. Elle a conduit à des
changements révolutionnaires dans les pratiques agricoles américaines, dont la plantation
de haies coupe-vent (rangées d’arbres plantés en bordure des champs pour ralentir
le vent et donc réduire l’érosion qu’il provoque) et la culture en bandes (plantation de
blé alternée chaque année avec la mise en jachère sur des bandes de terre). La culture
en bandes permet à l’humidité du sol de s’accumuler sur les bandes en jachère, tandis
que les bandes plantées alternées réduisent la vitesse du vent et donc son effet érosif sur
les terres en friche.
En 1985, le Congrès des États-Unis, avec un fort soutien de la communauté
environnementale, a créé le Conservation Reserve Program (CRP) pour réduire l’érosion
des sols et contrôler la surproduction des produits de base. En 1990 près de 14
millions d’hectares de terres très sensibles à l’érosion avaient fait l’objet d’accords de
mise sous couvert végétal permanent pendant 10 ans. Dans le cadre de ce programme,
les agriculteurs étaient payés pour planter de l’herbe ou des arbres sur les terres cultivées
les plus sujettes à l’érosion. Ces 14 millions d’hectares protégés par le programme
CRP, ainsi que la mise en oeuvre de pratiques de protection sur 37 pour cent de toutes les
terres cultivées, ont permis de réduire l’érosion des sols des Etats-Unis de 3,1 milliards
de tonnes en 1982 à 1,9 milliards de tonnes en 1997. L’approche américaine offre un
modèle au le reste du monde.
D’autres pratiques ont récemment enrichi la boîte à outils de préservation des sols tels
que le non-labour ou le labour minimal. L’utilisation des pratiques culturelles traditionnelles
de labour des terres, de hersage ou de disquage pour préparer les semis, puis de
désherbage mécanique pour supprimer les mauvaises herbes dans les cultures sarclées
© Ecologik Business, 2011

fait place à une nouvelle technique, le semis direct : les agriculteurs enfoncent directement
les graines à travers les restes de la récolte précédente dans le sol non perturbé, et
contrôlent les mauvaises herbes avec des herbicides. La seule perturbation est la fente
étroite créée pour y insérer les graines, le reste du sol restant intact, couvert par les restes
de récolte et donc résistant à l’érosion due à l’eau et au vent. Cette pratique ne fait
pas que réduire l’érosion mais permet aussi de retenir l’eau, d’augmenter la teneur en
carbone du sol, et de réduire considérablement la consommation d’énergie nécessaire
au labourage.
Aux États-Unis, dans les années 1990, les aides financières à la production ont été conditionnées
à un plan de protection des sols sur les terres les plus sujettes à l’érosion ;
la surface non labourée est alors passée de 7 millions d’hectares en 1990 à 27 millions
d’hectares en 2007. Aujourd’hui largement utilisé pour la production de maïs et le soja,
le semis direct sans labour s’est rapidement répandu dans le continent Américain, couvrant
26 millions d’hectares au Brésil, 20 millions d’hectares en Argentine, et 13 millions
au Canada. L’Australie, avec 12 millions d’hectares, vient en 5ème position pour la
pratique du semis direct.
Une fois la pratique du semis direct maîtrisée par les agriculteurs, son utilisation peut
rapidement progresser, en particulier lorsque les gouvernements mettent en place des
incitations économiques ou exigent conditionnent les aides agricoles à des programmes
de protection des sols agricoles.
Les pratiques agricoles qui préservent les sols et augmentent leur productivité conduisent
aussi généralement à élever la teneur en carbone du sol. Parmi celles-ci figurent
le passage au labour minimal et la suppression du labour, l’utilisation plus étendue de
cultures de couverture, le fumage des terres avec le déjections du bétail et de volaille,
la progression des surfaces irriguées, le retour à une agriculture associant davantage la
culture et l’élevage, et le reboisement des terres abandonnées.
D’autres approches sont utilisées pour stopper l’érosion et la désertification. En juillet
2005, le gouvernement marocain, après une grave sécheresse, a annoncé qu’il consacrait
778 millions de dollars à l’annulation de la dette des agriculteurs et à la conversion
de surfaces céréalières en vergers fruitiers et oliveraies, moins vulnérables.
Les pays subsahariens doivent faire face à l’augmentation des déplacements de populations
provoqués par la désertification des prairies et terres cultivables. A cet effet
l’Union Africaine a lancé le programme « Grande Muraille Verte du Sahara », impulsé
par Olusegun Obasanjo lorsqu’il était président du Nigeria. Il prévoit la plantation de
300 millions d’arbres sur une longue bande de 3 millions d’hectares traversant l’Afrique.
Cette muraille verte s’ancrerait à son extrémité ouest au Sénégal, qui perd chaque
année 50 000 hectares de terres productives. Pour le ministre de l’Environnement sénégalais,
Modou Diagne Fada “Il faut combattre le désert avant qu’il ne soit sur nous ”. La
portée du programme a depuis son lancement été élargie pour y inclure l’amélioration
des pratiques de gestion des terres telles que la rotation des pâturages.
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La Chine est de la même manière en train de planter une ceinture d’arbres pour protéger
les terres de l’avancée du désert de Gobi. Cette muraille verte, version moderne de la
Grande Muraille, devrait mesurer quelques 4 480 kilomètres, s’étendant en Mongolie
intérieure depuis les faubourgs de Pékin. La Chine rémunère par ailleurs les agriculteurs
dans les provinces menacées pour qu’ils plantent des arbres sur leurs terres ; 10
millions d’hectares sont visés, soit plus d’un dixième des terres céréalières de la Chine,
mais de récentes pressions imposées pour accroître la production alimentaire semblent
avoir ralenti cette initiative.
En Mongolie intérieure, les efforts faits pour stopper l’avancée du désert et reconquérir
des terres exploitables reposent sur la plantation d’arbustes du désert pour stabiliser
les dunes de sable ; Les moutons et les chèvres ont été totalement interdits dans de
nombreux cas. Dans le comté de Helin, au Sud de la capitale de la province Hohlot, la
plantation d’arbustes du désert sur des terres agricoles abandonnées a désormais stabilisé
le sol de la première parcelle de 7 000 hectares faisant l’objet d’une réhabilitation.
Fort de ce succès, cet effort de réhabilitation est en cours d’extension.
La stratégie adoptée par le Comté de Helin repose sur le remplacement du grand nombre
de moutons et de chèvres par des vaches laitières. Les troupeaux de bovins sont
maintenus dans des zones d’accès restreint ; ils sont nourris avec des tiges de maïs, de la
paille de blé, et avec la récolte d’une culture fourragère tolérante à la sécheresse utilisée
pour reconquérir les terres sur le désert. Les responsables locaux estiment que ce programme
permettra de doubler les revenus dans le Comté au cours de cette décennie.
Afin de globalement réduire la pression sur les pâturages chinois, Pékin demande aux
éleveurs de réduire leurs troupeaux de chèvres et moutons de 40 pour cent. Cependant,
à moins de proposer aux éleveurs des moyens de subsistance alternatifs à l’image de ce
qui est proposé dans le comté de Helin, ces actions paraissent difficiles voire impossibles
à réaliser dans les communautés où la richesse se mesure au nombre d’animaux et
où la plupart des familles vivent dans la pauvreté.
La seule façon viable d’éliminer le surpâturage sur les deux cinquièmes de la surface
émergée du globe consacrés à l’élevage est en fin de compte de réduire la taille des
cheptels. Les troupeaux en surnombre, en particulier de chèvres et moutons, ne font
pas que détruire la végétation, mais pulvérisent aussi avec leurs sabots la croûte de
protection du sol formée par les pluies et qui permet de réduire naturellement l’érosion
due au vent. Dans certaines situations, la solution préférée est le parcage des animaux
dans des zones contrôlées, où le fourrage leur est alors apporté. L’Inde, qui a adopté
avec succès cette pratique pour son industrie laitière florissante, constitue un modèle
pour les autres pays.
La protection des sols de la planète demande également une interdiction mondiale des
coupes forestières à blanc au profit de prélèvements sélectifs ; les coupes à blanc successives
entraînent en effet de lourdes pertes par érosion avant que la forêt n’ait pu se
régénérer, générant un cercle vicieux de surexploitation et de perte de productivité.
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La restauration de la couverture végétale de la planète et le développement de pratiques
agricoles moins agressives pour les sols permettent de réduire érosion et inondations,
mais aussi de séquestrer du carbone ; elles constituent donc des outils puissants dans
l’effort de lutte contre le réchauffement climatique.
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Adapté du chapitre 8, “Restaurer la Terre” de Lester R. Brown, Plan B 4.0: Mobiliser
pour sauver la civilisation (New York: WW Norton & Company, 2009), disponible en
ligne sur: www.earth-policy.org/books/pb4
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