lundi 26 janvier 2015

Contre les élections: un résumé par Jean-Claude Thériault

« CONTRE LES ÉLECTIONS » DE David Van Reybrouck ed.  Babel 2014


            L'auteur, au départ, nous parle du «  syndrome de fatigue démocratique » qui se manifeste entre autre par le fait que de moins en moins de gens vont voter et le nombre d'adhérents des partis politiques est en baisse.  Il croit que le tirage au sort pourrait redonner un nouveau souffle à la dite démocratie.

Son ouvrage tient en 4 chapitres : les symptômes au mal de la démocratie représentative, les diagnostics, la pathogénèse et les remèdes à donner à la démocratie.  Il nous parle des deux types de crises : crise de la légitimité et crise de l'efficacité. «  Tout système politique doit trouver un équilibre entre deux critères fondamentaux : l'efficacité et légitimité.  L'efficacité répond à la question : combien de temps faut-il à un gouvernement pour mettre en œuvre des solutions réelles aux problèmes qui se présentent.  La légitimité répond à la question : dans quelle mesure les habitants sont-ils en accord avec ces solutions?  L'efficacité correspond à la capacité à agir, la légitimité au soutien des citoyens à l'action publique. (…) la crise de l'efficacité ne faut qu'aggraver la crise de la légitimité. »

Quels sont donc les diagnostics à ce syndrome de  fatigue démocratique? Selon l'auteur, «  on peut classer les analyses divergentes du syndrome de fatigue démocratique en fonction de quatre diagnostics différents : 1- c'est la faute des politiciens;  2- c'est la faute de la démocratie, 3- c'est la faute de la démocratie représentative et 4- variante spécifique, c'est la faute de la démocratie représentative élective. ». 

1- on connait les  accusations habituelles envers les politiciens, ils se retrouvent devant le diagnostic du populisme;  2- le diagnostic de la technocratie car «  on confie la gestion des affaires publiques à des spécialistes »  3- c'est le diagnostic de la démocratie directe.  «  Les Occupiers et les Indignados sont friands d'adjectifs : la nouvelle démocratie, la «  deep democracy », etc..Le populisme est dangereux pour la minorité, la technocratie est dangereuse pour la majorité et l'antiparlementarisme est dangereux pour la liberté. »  4- Le nouveau diagnostic- au moyen des élections «  les mots «  élections » et « démocratie » sont devenues synonymes pour presque tout le monde; nous ne jurons que par les urnes »  «  Voilà la cause première du syndrome de fatigue démocratique : nous sommes tous devenus des fondamentalistes des élections.  Nous méprisons les élus, mais nous vénérons les élections »

On a de la difficulté a croire qu'il n'y a pas d'autres choses que les élections; nous tombons dans le piège car il existe aussi autre chose.  Quand  on dit exporter la démocratie, c'est à celle des élections comme en Occident auxquelles on réfère. «  Notre fondamentalisme électoral prend en l'occurence vraiment la forme d'une nouvelle évangélisation du monde.  Les élections sont les sacrements de cette nouvelle religion.... « 

Au fur et à mesure du temps, la société civile, la population exige d'être entendue de plus en plus, ce que l'on appelle «  l'espace publique ». 
«  Au fil des siècles, cependant, s'est constitué ce que l'on peut appeler une «  sphère publique » pour reprendre le terme de la théorie du sociologue allemand Jurgen Habermas.  Les  sujets s'opposèrent à cette approche du haut vers le bas et se réunirent sur la place publique pour discuter de la situation(...) les révolutions américaines et francaises de 1776 et 1789 ont constitué une apogée : une population révoltée... décida que ce serait non plus le roi, mais le peuple qui serait souverain ».



«  Au cours des deux siècles suivants, cette méthode remontant au XVIIIe siècle connait cinq transformations structurelles : la naissance des partis politiques, l'introduction du suffrage universel, le développement d'une société civile organisée, la domination des médias commerciaux au sein de l'espace public et l'apparition, là-dessus, des médias sociaux ».

Mais les choses commencent à changer avec la globalisation et le libéralisme économique des années 1980.  «  C'est moins la société civile que les lois du marché qui sont mises de l'avant avec un autre impact majeur sur la démocratie habituelle. (…) les conséquences se devinent aisément : le citoyen devient consommateur, le passage aux urnes une aventure(...) la société civile ayant perdu de son pouvoir, un fossé s'est de nouveau creusé entre l'Etat et l'individu. »

L'intérêt général de la population civile est de moins en moins au rendez-vous; les élections apparaissent moins utiles et convaincantes pour créer une meilleure société. Le bateau coule. «  La démocratie est fragile, plus fragile qu'elle ne l'a jamais été depuis la Seconde Guerre Mondiale.  Si nous n't prenons garde, elle dégénérera peu à peu en une dictature des élections. » Les élections amènent la fin de la démocratie.

Dans la démocratie athénienne, on parle beaucoup de tirage au sort.  «  Les organes de gouvernement les plus importants recrutaient effectivement leur personnel par tirage au sort ».  - La démocratie athénienne peut-être vue comme une démocratie «  directe » , mais il faut savoir que ce n'était pas tout le monde qui s'exprimait mais plutôt un échantillon au hasard, constitué par tirage au sort. Nous pourrions plutôt parler d'une démocratie représentative non élective.

«  Ce qui frappe, dans les écrits des révolutionnaires américains et francais, c'est non pas tant qu'ils ne pouvaient pas appliquer le tirage au sort mais tout simplement qu'ils ne voulaient pas, et pas seulement pour des raisons pratiques.  A aucun moment, ils n'ont même semblé vouloir faire le moindre effort en ce sens.  Les révolutionnaires disaient vouloir que le peuple soit souverain, mais ils concevaient ce même peuple de facon plutôt élitiste.  Les nouveaux Etats indépendants d'Amérique du Nord recoivent le nom de «  républiques » mais non de «  républiques démocratiques ».

  Le politologue canadien Francis Dupuis-Déri a fait des recherches sur le mot «  démocratie » et a « constaté que les Pères Fondateurs des révolutions amércaines et francaises l'évitaient visiblement. La démocratie c'était l'équivalent du chaos, de l'extrémisme, estimaient la plupart d'entre eux, et ils voulaient s'en tenir aussi éloignés que possible.  La réalité démocratique elle-même leur faisait horreur. La Révolution francaise, pas plus que l'américaine, n'a chassé une aristocratie pour la remplacer par une démocratie; elle a chassé une aristocratie héréditaire pour la remplacer par une aristocratie librement choisie.  Une aristocratie élective, pour reprendre l'expression de Rousseau ».

On peut se poser la question : Depuis que les élections existent, ont-elles été crées comme un outil démocratique? Il semble que non.  On a persisté à le croire trop longtemps. «  Le syndrome de fatigue démocratique qui se manifeste aujourd'hui de toutes parts est une conséquence parfaitement normale de la sacralisation du système représentatif électif » Une question vient à l'esprit : Pouvons-nous envisager une autre démocratie?

Au niveau des remèdes, il demeure important que le peuple participe.   Cette règle nous amène à la démocratie délibérative ( fin du 20e siècle).  L'idée vient de James Fishkin- c'est le fait que des citoyens (tirage au sort) se réunissent et recoivent les projets des candidats afin d'en arriver à une décision.


Par exemple; réunion pendant deux semaines tout en étant rémunérés.  «  Le terme démocratie délibérative était né, une démocratie où les citoyens non seulement votent pour des politiciens, mais parlent aussi entre eux et avec des experts ».

Plusieurs expériences se sont réalisées dans plusieurs pays sur des questions majeures.  Au Texas (énergie propre), le Japon ( retraites), le Brésil ( la carrière des fonctionnaires, en Chine ( politique de la ville).  Ailleurs, de nouveaux modèles de participation citoyenne se sont fait jour.  Allemagne, Danemark, France, Brésil.  Concernant le renouveau démocratique, il y a eu 5 expériences : deux au Canada ( Colombie Britannique et Ontario), les trois autres au Pays-Bas, Islande et Irlande. Tous ont obtenu un mandat temporaire et un budget considérable des pouvoirs publics »  Les questions traitaient de réformes de loi électorale ou même de la Constitution; l'idée était de travailler avec des échantillons de citoyens- la concertation dura environ 12 mois- les participants ( citoyens) travaillaient avec des spécialistes, etc.. Résultat : aucun de ces projets n'a réussi à influencer la politique publique.  «  Dans les trois cas, la proposition de l'Assemblée citoyenne devait être confirmée par référendum.  Manifestement, le tirage au sort n'était pas un instrument démocratique assez familier pour bénéficier d'emblée d'une légitimité incontestable. »

Le tout fut établi par un référendum; résultat : en Colombie Britannique, un vote favorable à 57,7% et celui en Ontario à 36.9%.  Comme on le constate, ce n'est pas un processus rapide.

«  Il serait bien de faire une différence entre le référendum et la démocratie délibérative, même si c'est le citoyen qui est consulté. Lors d'un référendum, on demande à tout le monde de voter sur un sujet à propos duquel, le plus souvent, peu de gens sont informés; lors d'un projet délibératif, on demande un échantillon représentatif de la population de délibérer sur un sujet à propos duquel il obtient le plus d'informations possibles.  Lors  d'un référendum, les gens réagissent encore très souvent avec leurs tripes; lors d'une délibération, c'est une opinion publique éclairée qui s'exprime. »    

C'est vraiment très exigeant pour les assemblées citoyennes qui travaillent forts afin de dévoiler leurs conclusions; il reste aussi l'opposition des partis politiques et des médias.  L'attitude de ces derniers n'est pas toujours positive, car ils tiennent à leurs privilèges d'apporter la «  lumière de vérité ». Il y a aussi d'autres facteurs, comme la crainte mutuelle des partis politiques et des citoyens, et vice-versa- de la méfiance des uns vis à  vis de autres.  La démocratie parlementaire est plus spectaculaire que l'autre démocratie qui se veut plus axée sur le citoyen comme nous venons de le voir.

L'expérience de l'Islande : le tirage au sort des citoyens en arrive à faire élire ( urnes) 25 élus par la population ( «  le scrutin fut invalidé, le Parlement décidant alors de choisir lui-même les élus » )...
«  Le 20 octobre 2012, lorsque la proposition de Constitution fut soumise par référendum aux citoyens islandais, elle fut adoptée par deux tiers des voix ».  - L'expérience islandaise est un exemple de réussite de démocrtie délibérative. 

L'expérience de l'Irlande :  ils veulent associer les hommes politiques à ce processus pour de meilleures chances de réussite.    En tout, 66 citoyens et 33 politiciens professionnels. A propos de la Convention sur la Constitution « les recommandations devaient d'abord passer devant les deux chambres du Parlement irlandais, puis être examinées par le gouvernement et ensuite soumises à  référendum ».





            PLAIDOYER PROVISOIRE EN FAVEUR D'UN SYSTÈME BI-REPRÉSENTATIF.

C'est le fait de partager le pouvoir entre des citoyens élus et des citoyens tirés au sort.  «  La démocratie n'est pas un régime dominé par les meilleurs éléments de notre société; un tel régime est une aristocratie, mêmes si les personnes sont élues.(...)  La démocratie, au contraire, prospère en donnant la parole à différentes voix; l'important, c'est d'avoir un pouvoir de décision égal..... »

De facon générale, le tirage au sort ne fait pas l'unanimité.  Mais il faut se souvenir qu'il fût un temps où le vote des femmes, des ouvriers n'étaient pas prisés.  L'exemple du jury à un procès illustre bien comment le tirage au sort se tire d'affaire.  Pourquoi accepter des groupes de réflexion sans accepter le tirage au sort de citoyens qui sont les premiers concernés   Le système bi-représentatif est actuellement le meilleur remède au syndrome de fatigue démocratique dont souffrent tant de pays. «   Ainsi, la méfiance entre gouvernés et gouvernants diminue; les chances de meilleure harmonie reviennent. EX; le modèle bi-représentatif belge.


CONCLUSION DE L'AUTEUR.

Ce dernier conclue «  que nous sommes en train de détruire la démocratie en la limitant aux élections, et ce, alors que ces mêmes élections n'ont jamais été concues comme un instrument de démocratie. »

Sans une réforme complète, ce système est à l'agonie.  Compte tenu de l'abtentionnisme, le mépris des politiciens, les difficultés de gestion gouvernementale, de plus en plus de citoyens veulent participer aux affaires publiques; cela signifie qu'il est minuit moins une minute.  «  Pour l'instant, le calme semble régner, mais c'est le calme avant la tempête ». Il faut faire valoir notre droit d'expression à un moment clé où on veut nous l'enlever.  «  Nous devons démocratiser la démocratie ».

MA CONCLUSION.

Nous constatons que l'arrivée d'une véritable démocratie ne doit plus se faire attendre et que c'est un long processus, parsemé d'embûches de toutes sortes.  Nous avons le choix de ne rien faire et rien ne changera OU croire que c'est encore possible; et y travailler progressivement, et finalement atteindre le but fixé compte tenu d'un nouvel éveil de conscience et de devenir plus libre. 

JCT 16 janvier 2015. 






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